De la famille des parasitus glandus, le babos est un lointain cousin du baba-cool,
ou hyppie, disparu à la fin des années 70, pour des raisons qui
demeurent obscures, bien que certains spécialistes avancent comme explication
la combinaison du disco, du LSD, et de l’arrivée de Ronald Reagan
au pouvoir.
Seul descendant de cette lignée, le babos, est un animal pour le moins
mystérieux. Bien que l’image du babos classique, ou babos vulgerus,
soit assez répandue, on aurait tort de sous estimer le nombre de race
de babos existantes, tout comme sa capacité de reproduction.
Le babos vulgerus se reconnaît avant tout à son pelage. Les spécialistes
parlent de "dreads". Cette étrange coiffure symboliserait
pour les initiés une connexion directe entre l’esprit du babos
et la Terre, qui dans sa religion serait une sorte de matrice nourriciére
et protectrice, lui permettant en outre de planter sa tente.
En effet, la légende babos veut que pour s’accomplir, celui ci
réussisse à entretenir sa coiffe, de facon à ce que lesdites
dreads soient assez longues et vigoureuses pour toucher le sol, lui permettant
ainsi de sonder la mémoire immémorielle et universelle de la Terre
Mére et de percer les infinis mystères de l’existence. Après
quoi, le babos, devenu entité pure et supérieure, se transformera
en papillon, pour 24 heures de pur plaisir, avant d’aller s’asseoir
à la droite du buzz (car c’est dans ce sens qu’il tourne)
au paradis du babos où la Valstar coule à flots.
On reconnaît ainsi l’influence du babos au sein de son clan à
l’apparence de ses dreads, de belles dreads étant signe de réussite
sociale, tandis que les jeunes ne pourront qu’immiter les plus dreadés,
en attendant que leur pousse leur premiére dread, vers l’âge
de 16 ans.
D’autres paramètres entrent toutefois en compte pour établir
la hiérarchie au sein de la meute, comme la capacité à
jongler avec toutes sortes d’objets, celle à faire pousser de la
beuh, ou encore l’épaisseur de la corne des pieds, preuve que l’individu
n’a pas peur d’arpenter le bitume pied nu, libre de toute asservissement
à un quelconque géant de la chaussure et de toute nuisance dûe
à des pieds qui puent.
Si la dread est le moyen le plus aisé et le plus répandu pour
reconnaître un babos, cette seule référence peut se révéler
fallacieuse et trompeuse. En effet, la capacité d’adaptation du
babos à différent biotopes, ainsi que son croisement avec d’autres
espèces, modifient sensiblement la donne.
Voici les principales sous espèces dénombrées :
Les relations vieux / babos sont la plupart du temps houleuses, et, une fois
rassasié, le babos profitera d’une dispute à propos de son
avenir pour partir en claquant la porte, affirmant que, de toute façon,
il s’en fout, que dès ses 18 ans, il partira élever des
chévres naines en Laponie.
Toutefois, cette aversion envers les vieux peut être surmontée
si le vieux en question vit dans un squatt, une ferme retapée au cœur
de l’Ardéche, ou était à Woodstock. Il devient alors
un mentor, voire un modèle dans l’hypothèse effroyable où
le babos se verrait un jour rattraper par l’horrible société
de consommation déshumanisante.
Maintenant que vous savez reconnaître un babos, il est temps de s’intéresser
a son mode de vie.
La plus grande partie de l’existence du babos est consacrée à
la recherche de sa nourriture :le "shit" ou la "beuh".Un
jeune pourra se contenter de shit, tandis qu’un dreadé se doit
d’avoir régulièrement de la beuh (voire du très bon
pollen).
Pour cet exercice, il est intéressant de constater une facéties
de la nature, et comment deux espèces occupant des niches écologiques
différentes, vivent en parfaite harmonie.
En effet, pour se procurer sa précieuse denrée, autour de laquelle
s’organise toute la vie sociale du groupe, le babos doit entrer en contact
avec une autre espèce : le lascard. Cette espèce beaucoup plus
belliqueuse vit en bande dans un écosystéme appelé "arrêt de bus" ou encore "hall d’immeuble".Bien
que récemment frappée par une épidémie de sarkozyte
aigüe, elle prospére et se développe en particulier dans
les zones urbaines. C’est donc sur le territoire du lascard que se rendent
les jeunes babos afin de négocier la substance révérée.
Etrange relation que celle qui se noue entre lascard et babos… Plus malin
et plus violent, le lascard pourrait aisément abuser du babos, mais cela
le conduirait a terme à sa perte, chaque espèce ayant besoin de
l’autre. C’est ainsi qu’au contraire, le rusé lascard
tachera de mettre en confiance le naïf et craintif babos, ce dernier ayant
trop vite fait de le considérer comme un ami, alors que celui ci ne sert
que ses propres intérets.
Il arrive toutefois qu’avec certains lascards énervés, notamment
pendant la période du rut, des rixes puissent éclatées.
Le babos n’a alors plus qu’ à s’en retourner, penaud,
la dread entre les jambes. On dit alors qu’il s’est fait "entubé", "enculé" ou "carotté". Un tel événement provoquera la colère de la meute,
qui ayant passé une après midi d’attente fébrile,
et voyant leur émissaire revenir les mains vides, promettra, une fois
en sécurité, de se venger, sans bien sur que ces menaces n’aillent
plus loin que de simples paroles.
Toutefois, avec le temps, le babos a développé l’agriculture,
et recréant chez lui son petit coin de Jamaïque, fait pousser se
propres "pieds de beuh".
Cette opération est l’objet d’un folklore très élaboré,
et source de nombreux fantasmes.
La première étape consiste a trouver des graines. Pour cela, deux
solutions. La premiére est de conserver les graines dénichée
dans les têtes de beuh consommées. La deuxiéme est la remise
des graines par un babos ayant fait le pèlerinage à Amsterdam
(obligatoire pour tout bon pratiquant).
Ensuite, il faudra choisir entre la culture en intérieur ou en extérieur.
S’il opte pour l’intérieur, l’apprenti jardinier devra
mettre sur pied un mécanisme élaboré sur les conseils des
anciens, et surtout dénicher un néon. L’importance de cette
lampe est telle qu’elle prendra vite pour notre horticulteur une valeur
fantasmagorique, et qu’il n’est pas rare de tomber au détour
d’une rue sur un groupe de babos béat d’ admiration devant
l’éclairage public. Notre valeureux babos devra également
sacrifier une partie de son espace vitale pour aménager son exploitation.
Mais, comme nous l’avons déjà mentionné, l’hygiéne
n’étant pas sa préoccupation premiére, la salle de
bain sera promptement sacrifiée sur l’autel de la défonce.
Tout est ensuite question de doigté, d’amour, de patience et d’un
peu d’engrais, le jardinier suivant au jour le jour l’évolution
de sa progéniture, tremblant devant une tige trop longue, se réjouissant
de l’apparition d’une nouvelle tête pendant la nuit, se désespérant
de la mort d’un plant.
La culture en intérieur présente l’avantage de pouvoir surveiller
l’évolution du domaine psychotrope, mais surtout, de pouvoir impressionner
ses amis, et, lors de coup de blues ou de défonce solitaire, de s’asseoir
à coté de ses plants pour les contempler en leur sussurrant des
mots doux. Cela présente le désavantage d’attirer la convoitise
de certains pratiquants envieux, remarquant lors d’une soirée à
la gloire de Jah les précieuses plantes d’intérieur, et
surtout, de faire redouter a notre noble amoureux de la nature, que derriére
chaque coup de sonnette, ne se cache un agent de la marrée chaussée
alerté par la vieille du troisiéme, et qu’il ne découvre
la précieuse herbe folle.
La culture en extérieur recquiert plus d’expérience et
de ténacité.
Tout d’abord, il s’agira de trouver l’endroit idéal
pour planter. Et la , plus que la qualité de la terre, c’est la
discrétion et l’inaccessibilité du lieu qui importe. Ainsi,
à l’arrivée des beaux jours, le babos ambitieux se munira
d’une bonne paire de chaussures, de son baton de pèlerin et de
son bang, pour aller arpenter la nature a la recherche de sa terre promise.
La tache est ardue, et plusieurs heures de marche seront parfois nécessaires,
mais une fois la prairie de ses rêves découverte, le babos, heureux,
fier d’avoir mené a terme sa quête, pourra s’allonger
sur la terre d’ou germeront bientôt ses espoirs, et goutter un repos
bien mérité.
Une fois la terre trouvée et amoureusement ensemencée, le babos
s’y rendra régulièrement pour suivre l’évolution
de sa culture. Cela réclame la plus grande discrétion, car, si
les babos forment une grande famille, leur amour de la drogue douce les poussent
parfois à se voler entre eux, probléme sur lequel doit se pencher
le concile de Maastricht en 2005.
Ainsi, régulièrement le babos horticulteur disparaîtra une
journée entière sans prévenir et en restant vague, lorsqu’il
sera interrogé par la meute, sur la nature de cette disparition. Les
plus expérimentés auront tôt fait de deviner l’objet
de ces mystéres et c’est d’eux que peut venir le danger.
Mais après en avoir tellement parlé, je vous imagine avides d’en
savoir plus sur cette fameuse denrée autour de laquelle gravite l’existence
du babos.
Le shit et la beuh, servent à se "défoncer".Derriére
ce terme barabre se cache une pratique à la fois ludique et religieuse,
très codifiée, qui permet au babos d’ouvrir son âme
aux mystéres de l’univers…ou tout simplement de s’abrutir
avec un bon gros joint.
Car en effet, il existe plusieurs approches de la pratik de la "fumette".Pour les uns, il s’agit d’une démarche spirituelle,
permettant de se sentir bien, en harmonie avec la nature, de comprendre les
geraniums et de parler avec les castors. Pour d’autres, c’est seulement
un moyen d’atteindre un état végétatif et béat,
une sorte de somnolence éveillée. C’est ce que l’on
appelle dans le jargon scientifique "se dépouiller".
De même, la célébration au dieu Jah peut être accomplie
seul ou en groupe.
La propension à fumer seul révéle chez le pratiquant une
tendance à l’introspection et la réflexion. Assis au sommet
d’une montagne ; contemplant le monde a ses pieds, il pourra méditer
sur lui même et ses semblables, son esprit ouvert par la douce substance.
Cela peut aussi tout simplement révéler que ledit pratiquant est
une grosse loque, et qu’il souhaite se "dépouiller",
afin de glander dans son canapé en regardant des dessins animés,
sans bouger un orteil, de la bave aux commissures des lévres, jusqu’a
ce que sa bouche soit tellement pateuse qu’il doive consentir à
un effort surhumain pour aller boire un verre d’eau, sous peine de mourir
d’étranglement.
En groupe, l’opération est beaucoup plus conviviale, et prend plus
l’aspect d’une communion, beaucoup plus solennelle. Au milieu de
cette paix, les âmes et les briquets vibrant à l’unisson,
peuvent toutefois apparaître des frictions. L’amour du shit ou de
la beuh est en effet tel chez le babos, que son caractére paisible peut
être contrarié parce que le joint ne tourne pas asse vite, ou pas
dans le sens désiré….Et ne parlons pas d’une boulette
perdue, qui peut réduire à néant des années d’amitiés
!
Lors de ces grands messes au relent de THC, s’exprime le côté
artisanal de la culture babos : "l’art de la roule". Vous
aurez compris que "fumer un bédot" n’est pas une
finalité en soi. Cela comporte une dimension spirituelle et formatrice,
mais aussi un aspect artistique indéniable.
En effet, lors de leurs soirées enfumées, les babos, princes de
la roule, docteurs és-collage, rivalisent de créativité
et d’adresse dans l’élaboration du précieux cône.
3 feuilles, 4 feuilles, 8 feuilles 1000 feuilles ! ! ! ! ! Tulipe, seau, dèsintégrateur
intersidéral de neurones, l’imagination du babos n’a plus
de limite lorsqu’il s’agit de marier art et plaisir.
Mais il serait injuste de réduire la culture babos à un amour
immodéré du chanvre sous toutes ses formes. Etre babos, c’est
aussi avoir des opinions, des valeurs, et oser les défendre. Ainsi le
babos fait montre d’une grande ouverture d’esprit formalisée,
d’une liberté de ton imposée, d’une façon de
se démarquer commune à tous.
Le babos prône le respect d’autrui (à condition qu’autrui
lui ressemble) et l’acceptation des différences (à condition
que ce soit ses différences).Il fait ainsi preuve d’une grande
tolérance et n’hésite pas à partager ses opinions
avec ceux qui sont d’accord avec lui, dans le respect des convictions
de chacun. I l existe une sorte de code implicite de ce qui est bien et de ce
qui ne l’est pas, que tout bon membre doit connaître et maîtriser.
Mais attention ! pas de dictature des idées ici, chacun est en droit
de préféré Peter Tosh à Max Roméo ou vice
versa ! Et pour être sur de ne pas contredire cette largesse d’esprit,
le babos évite autant que possible de se mélanger à ceux
qui pensent différemment. La devise de la caste pourrait ainsi être
: "différent des autres mais tous pareils".
Le sujet est vaste et une vie ne suffirait pas à rendre compte de toutes
les subtilités de la vie de babos. Vous avez toutefois à présent
un aperçu de la chose par cette petite étude totalement partiale
et de mauvaise foi.
Et si vous vous êtes un tant soit peu reconnu dans cette description,
ne vous affolez pas, c’est normal, car en chacun de nous sommeille un
babos.