Old boy

posté par Ben

"Old boy", c’est le genre de films qu’on va voir en se disant : cool un film coup de poing, je vais m’en prendre plein la gueule. Et ben non. Nœud de l’intrigue à la Mary Higgins Clark, personnages pas étudiés, questions essentielles pas posées, climax frisant le ridicule, perversité formatée pour le public de Cannes, et pas mal de clichés.
Bon ok, je charge un peu la mule, car ce film n’est pas non plus une merde totale. La réalisation est même plutôt pas mal, dynamique, alternant entre une caméra mobile et présente pour nous signifier les sentiments du héros, et des passages plus calmes (plans larges, ou le fameux travelling horizontal) lors des interactions entre ce dernier et son environnement.
Mais perso j’ai quand même ressenti comme un foutage de gueule…D’autant plus désagréable et surprenant car venant du réalisateur d’une œuvre dure et prenante comme "sympathy for Mr vengeance".
D’abord, après avoir passé 15 ans entre quatre murs, pépère retrouve l’air libre comme si de rien n’était, pas plus déglingué de la cafetière que ça… Ah mais oui, on nous l’explique par la site : on lui a administré des médicaments anti-schizophrénie… merveille de la science, merveille du scénario… Quoique je ne suis pas juste. Pour nous signifier qu’en 15 ans de captivité, notre homme a un peu régressé, on a droit à une séquence où il renifle le premier être humain qu’il rencontre, comme le ferait un animal…ah oui, c’est subtil, tout de suite on capte mieux… et devinez quoi, une fois l’obligation "faisons comprendre au spectateur que le retour à la réalité est difficile" remplie, il redevient normal, se la pétant même façon James Bond, sortant d’un immeuble affublé de lunettes de soleil ridicules, ne bronchant même pas lorsque un homme se suicide en s’écrasant sur le toit d’une voiture juste à côté de lui… Là on comprend que notre héros, c’est pas une tapette…
Mais le plus irritant, c’est qu’il m’a semblé que "Old boy" passait à côté de son sujet.
Les vraies questions ne sont pas posées : 15 ans avec une télévision pour seul compagnon, n’y avait il pas là sujet à réfléchir sur la relation à l’image, à la perception du monde extérieur via ce médium ? Quid de ce qui se passe dans sa tête au moment où il retrouve la liberté ? Après toutes ces années il n’aurait pas dû être un peu déstabilisé le bonhomme ? Quid de la "grande prison", à savoir le monde qu’il retrouve, thème suggéré mais pas développé. Egalement suggéré par l’amante du héros, le sentiment de solitude (et les hallucinations sur les fourmis) n’est pas plus étudié.
En somme c’est tout le rapport à ses semblables et à la société qui n’est pas pris en compte. Or ne pouvait on pas s’attendre à une telle préoccupation avec un héros placé en marge pendant 15 années, sa situation pouvant faire écho à celles de tout ceux qui sont isolés au sein de la communauté ?
Bon admettons que Park Chan-Wook n’ait pas voulu philosopher pour se concentrer sur la mission de son héros. Mais là encore je n’y ai pas trouvé mon compte. J’ai trouvé le héros trop lisse, trop réadapté, pas assez torturé. Je ne trouve pas qu’il justifie son surnom de "monster", il lui manque une certaine part d’animalité. Et dans la catégorie du mec super déterminé que rien n’arrête je préfère largement le personnage de Mel Gibson dans Payback. Il en est de même pour le grand méchant du film, prince vivant en haut d’une tour, qui traîne son sourire triste et son air désabusé de "mec qui est pas sympa mais c’est pas sa faute il a un lourd secret qui lui pèse", accompagné de l’inévitable homme de main/ machine à tuer. C’est pas un peu cliché tout ça ?
L’intrigue centrale en elle même est décevante. Contrairement à ce que le réalisateur nous laisse entendre au début ("je t’ai créé, je t’observe") pas de savant fou étudiant la nature humaine, jouant avec la vie du héros. Rien sur la relation entre la créature et le créateur… merde c’est frustrant à force !
Et le fameux "pourquoi" ? la réponse est terriblement banale et terre à terre. Ok c’est dramatique mais cela reste décevant, car rationnel. En fait, le fait même qu’il y ait un pourquoi est décevant, enlevant au film tout caractère pervers et toute folie, puisque tous les actes ont une motivation logique. D’où une dimension beaucoup plus modeste de l’histoire.
Et les scènes chocs ? Celles qui doivent nous retourner le bide tout en nous démontrant la détermination du bonhomme ? Ben là encore… : il mange une pieuvre vivante (arrêtez c’est insoutenable), arrache deux trois dents… pas de quoi rendre son goûter… ah si : il ligote une assistante dentaire sur un fauteuil… whoua.
En matière de perversité, psychologique autant que physique, mieux vaut s’adresser à Takashi Miike !
Bon voilà en gros ce que je reproche à "Old boy" c’est de en pas être le film qu’il aurait pu être ! Tellement de thèmes sont abordés sans être développés, c’est vraiment dommage. Nombre des qualités de "sympathy…" sont ici absentes, et le pire est que j’ai l’impression que c’est un non événement, faussement méchant, vraiment tendance, plus destiné aux lecteurs de Première voulant s’encanailler qu’à ceux de Mad Movies….et ça c’est dur !

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